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L’histoire de Rita Chatterton, première femme arbitre de la WWE

Dans les années 80, la WWE engageait pour la première fois une femme arbitre, Rita Chatterton. Une histoire que Vince McMahon et la WWE préfèrent aujourd’hui oublier.

WWE

En août 2017, la WWE se félicitait d’avoir engagé l’arbitre Jessika Carr, à l’occasion de la première édition de son tournoi féminin, le Mae Young Classic. Un évènement important pour la compagnie de Stamford qui la présentait comme la première femme arbitre à plein temps. Mais il se trouve que ce n’était pas totalement le cas. Dans les années 1980 la WWE, à l’époque où elle s’appelait encore la WWF, avait déjà employé une femme en tant qu’arbitre à plein temps.

C’est en 1984 que Rita Chatterton, travaillant sous le nom de Rita Marie, foule pour la première fois un ring de la WWF avec une chemise bleue et un nœud papillon, tenue officielle de l’arbitre à l’époque. À ses débuts, Vince McMahon lui promet monts et merveilles, un beau contrat et un beau salaire, et la possibilité de faire parler d’elle dans de nombreux magazines américains comme le Time, à une condition : Celle de rester professionnelle et de ne pas fréquenter de catcheur. Elle y travaillera pendant deux ans, avant de se faire renvoyer en 1986 par la WWF, officiellement pour « incompétence ».

Renvoyée après avoir été violée

En avril 1992 Rita Chatterton réapparaît et donne une interview dans une émission de télévision intitulée « Now It Can Be Told » de Geraldo Riviera. Avec comme titre « Wrestling’s Ring Of Vice », jeu de mots qui peut être traduit par « Le cercle vicieux du catch », les bases sont posées. Dans cette émission l’ancienne arbitre de la WWF, 27 ans au moment des faits, révèle qu’elle avait demandé un rendez-vous avec Vince McMahon pour lui demander d’arbitrer plus de matchs. Un rendez-vous que le président de la compagnie va organiser dans sa limousine alors qu’il sort d’un déjeuner dans un restaurant. McMahon n’y va pas par quatre chemins : Si elle veut un contrat à plein temps et bien payé (un demi-million de dollars par an), elle va devoir le satisfaire.

« J’ai été forcée à faire une fellation à Vince McMahon. » raconte Chatterton dans l’émission de Geraldo Riviera à l’époque. « Comme je ne pouvais pas satisfaire ses désirs, il s’est mis en colère, a commencé à arracher mon jean, m’a attiré sur lui et m’a répété que si je voulais un contrat d’un demi-million de dollars par an, je devais le satisfaire. Il pouvait me faire ou me défaire, et si je ne le satisfaisais pas, j’étais blacklistée, c’était tout, j’étais finie. »

Cette histoire, elle va la raconter juste après les faits à Andre The Giant et un autre catcheur, Mario Mancini (Lenny Inzitari de son vrai nom) qui est aussi l’un de ses plus proches amis — les deux se sont connus dans une école de catch tenue par Tony Altomare. « Je m’en souviens comme si c’était hier. Elle était dévastée. Elle tremblait. Elle pleurait. » racontait Inzitari au New York Magazine en juillet dernier alors que Vince McMahon était sur la sellette. Inzitari n’avait jamais raconté l’histoire de peur de se faire mettre au ban dans le monde du catch. Invité dans le Cheap Heat Podcast en juillet dernier après ses révélations, Mancini explique que ce sont les révélations du Wall Street Journal en juin dernier qui l’ont poussé à en parler, ajoutant que « d’autres histoires pires que celle-ci » ont eu lieu à l’époque.

« L’une des choses qui m’a le plus marquée, et qui me marquera toujours, c’est qu’après avoir fait son affaire, il m’a regardée et m’a dit : ‘Tu te souviens quand je t’ai dit de ne pas déconner avec des catcheurs ? Eh bien, tu viens de le faire.' » raconte Rita Chatterton dans ce même article du New York Magazine. « Ensuite je suis allée dans les toilettes du restaurant et y ai pleuré à chaudes larmes. Je me suis lavée, j’ai pris la voiture, je suis rentrée chez moi et j’ai pris une douche de cinq heures ».

Rita Chatterton sera renvoyée par la WWF en 1986, peu de temps après les faits. Son témoignage de 1992 ne pourra malheureusement pas être porté en justice au moment où elle révèle l’affaire au grand public, en raison du délai de prescription.

Plusieurs mois plus tard, en février 1993, c’est Vince McMahon qui portera l’affaire en justice. Il attaquera non seulement Geraldo Riviera et Rita Chatterton, mais aussi un catcheur de l’époque, David Shults, de tentative d’extorsion. David Shults est un ancien catcheur connu à l’époque sous le nom de « Doctor D » et qui a été viré de la WWF après avoir giflé John Stossel, un journaliste de la chaîne d’information américaine ABC News qui lui avait demandé si le catch était truqué.

Selon McMahon, Rita Chatterton et David Shults lui ont demandé 5 millions de dollars en échange de leur silence. Linda McMahon ajoutera à l’affaire une plainte pour la « sévère détresse émotionnelle » qu’a engendré cette affaire et réclame un million de dollars pour le tort causé.

En tant que conséquence directe et immédiate des blessures de son mari, la requérante Mme McMahon s’est vue privée de la compagnie de Vincent K. McMahon, son affection et son soutien moral. De plus, Mme McMahon a également souffert d’une extrême détresse émotionnelle et/ou d’autres blessures, y compris, mais sans s’y limiter, d’angoisses mentales, de colère, d’embarras, de honte, d’humiliation, de dépression et de perte de sommeil.

Vince McMahon crie à la conspiration

Le procès indique que Vince McMahon accuse Chatterton et Shults d’avoir tenté de lui extorquer des fonds en 1992 en enregistrant Vince McMahon et en faisant croire que la bande a été enregistrée en 1988, un enregistrement réalisé par David Shults à l’aide d’un détective privé, Tony Toce, et sur lequel se basent les accusations de Rita Chatterton. Le procès indique aussi que l’entourage de Chatterton a demandé cinq millions de dollars en échange pour faire valoir son « droit de s’exprimer en lien avec le Premier Amendement ».

De son côté, Geraldo Riviera est accusé avec ses équipes d’avoir orchestré la conspiration contre les McMahon. Riviera répondra que « c’est une marque d’honneur d’être poursuivi par les McMahon » et promet de « les body-slammer au tribunal ». Les équipes de Riviera ont par ailleurs précisé qu’ils avaient invité à plusieurs reprises Vince McMahon à venir répondre aux accusations dans l’émission, ce qu’il a toujours refusé de faire.

L’avocat des McMahon, Jerry McDevitt, a déclaré que l’importance du procès allait au-delà des accusations d’extorsions et d’agressions sexuelles. « Le plus gros problème, c’est d’utiliser la télévision de type tabloïde pour inventer des histoires qui n’existent pas. Cela n’a rien à voir avec le journalisme ».

L’affaire tombera finalement à l’eau. La WWF a dû abandonner toutes les charges un an plus tard pour se focaliser sur une affaire plus importante qui fera bien plus de bruit : Le scandale des stéroïdes. Interrogé en 2010 par le site Talking Points Memo, à l’époque où Linda McMahon briguait une place au sénat américain et où plusieurs affaires l’entourant refaisaient surface, McDevitt racontera : « Nous avions dû rassembler nos forces pour défendre la réputation de l’entreprise dans cette affaire criminelle [concernant les stéroïdes]. Nous n’avions pas d’autre choix que d’abandonner l’affaire pour pouvoir nous défendre. »

« Nous ne payons pas pour du chantage », ajoutera l’avocat. Pour lui, Rita Chatterton, en révélant l’affaire plusieurs années après son départ de la WWF, a « inventé ces accusations sorties de nulle part ». « Le procès n’a jamais été porté en appel, à mon grand regret, j’aurais aimé aller en appel », confiera l’avocat des McMahon lors de l’interview.

Suite à l’émission de Geraldo Riviera, Rita Chatterton qui est sollicitée par de nombreux médias pour des interviews décide de ne pas y répondre et disparaît de l’espace médiatique. Il faudra attendre juillet 2022, alors que Vince McMahon est accusé d’avoir couvert des agressions sexuelles et une relation avec une ancienne employée contre des grosses sommes d’argent, pour entendre à nouveau parler de l’ancienne arbitre.

En cette fin d’année 2022, le Wall Street Journal a en effet révélé que Rita Chatterton réclame par la voix de son avocat la somme de 11,75 millions de dollars. Une somme que Vince McMahon refuse de payer.

Article originalement publié le 27 août 2017.

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